En France, entre 1 à 1,5 million de personnes payent un reste à charge excessif. Et avec la pandémie du coronavirus, les inégalités en matière d’accès aux soins se font plus que ressentir. Pour les limiter, le gouvernement prévoit une réforme de la Sécurité Sociale. Parmi les propositions ; le projet de la Grande Sécu. Quelles sont les mesures proposées ? Quelle est la réaction des acteurs de l’assurance santé ? Découvrez les réponses dans cet article.
C’est quoi le projet la Grande sécu ?
La « Grande Sécu » est un projet initié par Olivier Véran dont l’objectif est de renforcer le pouvoir de la Sécurité sociale dans le cadre du parcours santé des Français. L’idée est alors d’élargir le remboursement de la Sécurité Sociale en prenant en charge les prestations proposées par les complémentaires santé. Mais pour faire face aux contestations venant des professionnels de l’assurance, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a établi cinq scénarios.
La grande sécu et la prise en charge quasi intégrale des dépenses de santé
À l’heure actuelle, le remboursement des dépenses de santé des Français par la Sécurité Sociale se heurte à de nombreux plafonds. Ces derniers viennent alors limiter la prise en charge de l’assurance, et surtout, ils augmentent le reste à charge des personnes malades.
Or, pour les ménages ayant de faibles ressources, ce reste à charge demeure trop élevé. En conséquence, de nombreux Français renoncent à se faire soigner, faute de moyens financiers suffisants.
C’est justement pour limiter cette situation que le gouvernement demande une réforme de la Sécurité Sociale. À cette fin, le Haut Conseil pour l’avenir présente un rapport avec plusieurs mesures. La principale étant la Grande sécu. L’idée est une prise en charge quasi intégrale des dépenses médicales par l’assurance maladie.
Grâce à cette mesure, les affiliés de la Sécurité Sociale n’auraient pas à payer le restant à charge après une consultation auprès d’un médecin traitant ou spécialiste, une hospitalisation ou l’achat de médicaments.
Mais cette réforme a évidemment un coût, qui est estimé à 18,8 milliards d’euros. Avec toutefois une possibilité de réduire ce coût à 17,1 milliards d’euros dans l’hypothèse où les franchises et les participations forfaitaires seraient maintenues.
Seuls les dépassements d’honoraires seraient remboursés par la Sécurité Sociale.
Mais en plus de ce coût, il faut ajouter les 3,5 milliards d’euros de taxe de solidarité qui sont prélevés pour toute souscription à une complémentaire santé. Au total, cette réforme pourrait coûter près de 22,4 milliards d’euros.
Alors pour la payer, le Haut conseil propose une augmentation de la CSG (contribution sociale généralisée) ou cotisations sociales.
Le bouclier sanitaire
Si le remboursement intégral des soins par la Sécurité Sociale semble une idée juste, il se heurte toutefois à un problème majeur : son coût. Et là, ce sont l’ensemble des contribuables qui devront en payer les conséquences à travers une augmentation des taxes et charges sociales. En termes de justice sociale, ce n’est pas forcément la meilleure option.
Pour y faire face, le Haut conseil propose la mise en place d’un bouclier sanitaire visant à limiter les coûts.
L’idée est alors de réduire le montant des frais de santé pour tous les seniors et les personnes souffrant de maladies chroniques. Ces catégories de population pèsent en effet lourd dans le budget de la Sécurité Sociale. En réduisant leurs dépenses, le gouvernement pourrait limiter le budget nécessaire pour le déploiement de la Grande Sécu.
Bon à savoir : ce dispositif existe dans certains pays comme l’Allemagne, la Belgique, la Suisse ou les Pays-Bas.
Mais ici, le gouvernement risque de se heurter aux contestations des professionnels de santé, et des assurances.
La Grande Sécu souffrant de nombreuses défaillances, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie envisage d’autres scénarios.
Quelles sont les autres propositions du Haut Conseil ?
Une coexistence de l’assurance maladie et des complémentaires
Dans ce scénario, il n’y aurait pas de changement radical par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui.
Et pour cause, assurance maladie et complémentaire santé continueraient de vivre en harmonie. Mais l’idée serait alors d’améliorer la couverture santé des Français et de diminuer le restant à charge (notamment pour les seniors touchant des retraites modestes).
Une souscription obligatoire à une mutuelle santé
Aujourd’hui, les salariés sont dans l’obligation de souscrire à la mutuelle d’entreprise. Mais de nombreux Français (étudiants, fonctionnaires, travailleurs indépendants, chômeurs, retraités, …) ne bénéficient pas de protection santé. Or, ces personnes sont souvent les plus fragiles.
Alors pour faciliter l’accès aux soins de tous les citoyens, le Haut Conseil propose une obligation de souscription à une mutuelle santé. Dans ce cadre, un encadrement des tarifs serait nécessaire afin de permettre aux foyers disposant de faibles revenus d’accéder à une complémentaire santé adaptée à leurs besoins.
Un élargissement du rôle des complémentaires
Le dernier scénario mis en avant par le Haut Conseil concerne un élargissement du rôle des assurances santé.
Sur ce point, la Fédération Française des Assurances est plutôt alignée avec le gouvernement. Voyons plus en détail ses propositions.
La réaction de la FFA face à la Grande Sécu
Face au projet de Grande Sécu d’Olivier Véran, la Fédération Française de l’Assurance a démontré sa ferme opposition. Et pour cause, ce projet limite l’action des mutuelles santé. Sans oublier qu’il risque de coûter très cher aux contribuables.
L’idée est alors de redonner plus de poids aux complémentaires santé en repensant certaines prestations. À cette fin, la FFA a publié un livre blanc en date du 13 octobre 2021. Au sein de son livre blanc, la présidente de la Fédération Française des Assurances, Florence Lustman, affirme clairement sa vision des assurances santé qui “peuvent et veulent être plus que des complémentaires”. Pour y parvenir, voici les principales propositions de la FFA.
Une collaboration assureurs et professionnels de santé
La sécurité sociale fixe des tarifs conventionnés pour chaque prestation de santé. Mais en fonction des villes ou des spécialités, ces tarifs fixés sont loin d’être suffisants pour les professionnels de santé. Il n’est donc pas rare que ces derniers appliquent des dépassements d’honoraires.
Or, ce surplus n’est pas pris en charge par l’Assurance Maladie. C’est justement le rôle de la complémentaire santé de rembourser ces dépassements d’honoraires à ses assurés.
Mais ici, une certaine méconnaissance des tarifs pratiqués ne permet pas toujours une bonne prise en charge par les assurances santé complémentaires.
Ces dernières proposent, en effet, un pourcentage du tarif réglementé de 200 à 300 %. Ce faisant, les patients sont remboursés pour les différentes consultations médicales au-delà du seul tarif conventionné.
Cependant, même si la prise en charge des mutuelles est plus importante que celle de l’Assurance Maladie, elle n’est pas toujours suffisante pour permettre un remboursement optimal aux patients.
L’idée de la FFA est de favoriser la collaboration entre les professionnels de santé qui pratiquent des dépassements d’honoraires et les assureurs. Cela permettrait alors de mieux maîtriser les tarifs des praticiens et ainsi proposer une meilleure prise en charge.
En plus de récolter la faveur des compagnies d’assurance individuelle, cette proposition est également partagée par les professionnels de santé.
Une fiscalité avantageuse pour la souscription à une complémentaire santé
Pour de nombreux Français, la souscription à une complémentaire santé est avant tout une question de coût et non pas de besoins. Ils préfèrent ainsi sélectionner la mutuelle la moins chère au risque que celle-ci ne couvre pas suffisamment leurs besoins de santé.
Alors pour aider les foyers disposant des plus faibles ressources, la FFA veut réduire la fiscalité des mutuelles.
Et pour cause, aujourd’hui, les complémentaires santé sont taxées à taux plein. C’est-à-dire 20 %. À l’exception des contrats dits responsables (ceux qui respectent le cahier des charges fixé par le gouvernement) qui sont soumis aux taux de TVA à 13 %.
Mais que ce soit 13 ou 20 %, cette somme peut rapidement faire monter la facture. Et pour les ménages, ces euros supplémentaires peuvent être dissuasifs.
Et pourtant, se soigner fait partie des besoins de première nécessité. Il semble donc logique que la TVA applicable soit celle relative à ces besoins. La FFA propose alors une taxe sur les complémentaires santé à 5,5 %.
L’idée est de faciliter l’accès aux soins de tous les Français, en particulier pour les personnes sans emploi, les retraités et les étudiants.
Une meilleure adaptation aux besoins des Français
Le contrat responsable fixe des plafonds pour certaines prestations. Mais cela, sans prendre en compte les spécificités des problèmes de santé de chaque Français. Or, c’est bien là tout l’enjeu des complémentaires santé : s’adapter toujours plus aux attentes et besoins de leurs assurés.
Ainsi, la FFA propose de déplafonner certains planchers, notamment pour les appareils auditifs ou les soins optiques. Mais pour éviter les abus, la Fédération Française propose certaines contreparties, telles que les franchises médicales.
Cela permettrait à chacun de disposer d’un contrat sur-mesure, sans augmenter les taxes de tous les Français sans considération des spécificités de chacun.
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